D’après l’organisation mondiale de la santé, le taux de décès dus aux accidents de circulations est d’environ 1.35 millions de personnes en 2016. Statistiquement 94% de ces accidents sont dus à ce que l’on appelle des ‘erreurs humaines’.
La question qui se pose est alors la suivante : Est-ce que si l’on arrive à supprimer le facteur humain de cette équation, on sera capable de limiter, voir éliminer les accidents routiers ? et dans ce cas, est ce qu’une technologie comme la conduite autonome serait la réponse ?
Qu’est-ce que la conduite autonome
Cela fait bien quelques années qu’on entend parler de voitures autonomes qui vont envahir nos routes, sans jamais pour autant en avoir croisé une ! Désormais, l’auto est d’ores et déjà capable de réaliser certaines manœuvres à notre place. C’est notamment le cas des systèmes de régulation de vitesse, systèmes de stationnement ou tout autre système d’aide à la conduite maintenant présent sur tous les véhicules récents.
L’électronique est bel et bien en train de prendre le contrôle sur de plus en plus de fonctionnalités dans nos voitures, et bien qu’on soit encore loin de vivre le rêve d’une conduite entièrement automatisée, les progrès technologiques réalisés ou en cours d’expérimentation en disent long sur ce que sera la voiture de demain.
La conduite autonome est basée sur l’intelligence artificielle. Cette intelligence bien qu’inspirée de l’humain serait théoriquement capable d’apprendre plus rapidement à gérer des situations complexes et faire les choix les plus adaptés. De prime abords, le Machine Learning apparaît très prometteur faces aux défis des voitures autonomes. Cette technologie permettra à un système d’apprendre à partir d’un corpus de cas de figures, puis de se développer par la suite grâce une matrice généralisée pour faire face à des nouvelles situations, lui permettant ainsi une boucle d’apprentissage infini.
De plus, pour être capable d’imiter un conducteur humain et ses cinq sens, le véhicule autonome doit être capable de voir son environnement et d’analyser toutes ces données afin de donner à son IA les éléments nécessaires pour décider et agir sur les commandes. Pour ce faire, il lui faut un nombre de capteurs, caméras, radars, Lidar, GPS… et des calculateurs très puissants.
En plus de ça, il doit être capable de communiquer avec les autres véhicules et infrastructures afin de compléter sa perception globale de son entourage. Ainsi il sera capable d’anticiper un feu passant au rouge ou une plaque de verglas dans un virage et d’agir en conséquence.
Dépendamment du niveau d’automatisation des fonctions et du développement des algorithme de l’IA, on parle de cinq niveaux de conduite autonome :
Niveau 1 : La mise en place des premiers éléments dans les années 90
Ce niveau existe déjà depuis les années 90, notamment chez Mercedes. Il constitue les prémices des systèmes de conduite assistée, entre autres : la régulation de vitesse, le freinage d’urgence automatique, le stationnement assisté, l’alerte au franchissement de file, etc. Ces systèmes sont devenus aujourd’hui des fonctionnalités de base dans les voitures modernes.
Niveau 2 : La Co-conduite
Bien qu’assez avancé, ce niveau nécessite encore la présence active du conducteur. Il s’agit simplement de combiner les systèmes d’assistance avec un contrôle longitudinale et latérale automatisé. Ceci permettra au véhicule d’être capable de calculer la correction de la trajectoire et de rappeler le conducteur à l’ordre en cas de distraction. Mais aussi de prendre le relai et d’envoyer des alertes en cas d’urgence.
Ceci est le niveau le plus avancé présent sur nos routes actuellement.
Niveau 3 : Le début du lâcher-prise
Ce niveau permet à la voiture de prendre contrôle sans l’intervention du conducteur, notamment sur les autoroutes, dans les bouchons et dans les parkings. Le véhicule n’est cependant pas capable de réagir face à toutes les situations mais peut notifier le conducteur en cas de besoin. Donc bien que le conducteur n’intervient pas activement à la conduite il doit rester alerte.
Techniquement et technologiquement on a déjà atteint ce niveau de conduite il y a quelques années, notamment chez Audi et Tesla, mais à cause de contraintes réglementaires, les constructeurs d’automobiles ne peuvent toujours pas activer ces modes de conduites dans leurs voitures.
Niveau 4 : L’émancipation
Ce niveau vient directement après le lâcher-prise et permettra au conducteur d’être à cent pour cent passif, voire de dormir tandis que le véhicule se chargera d’assurer toutes les fonctionnalités de conduite dans la majorité des situations. En cas de situations particulièrement complexes (conduites complexes dans les villes par exemple) le conducteur peut toujours reprendre en charge le contrôle.
On devrait voir des progrès technologiques intéressants à ce niveau à l’horizon 2021, notamment chez Google, Tesla et BMW. Ceci sous-entend bien sûr que la législation doit évoluer parallèlement à la technologie.
Niveau 5 : L’ère des robots
On parle ici d’application de véhicules 100% autonomes, où les volants n’existent plus et où le véhicule est capable d’analyser et de réagir face aux éléments de son entourage dans la totalité des cas de figure probables. A l’approche du deadline qu’il s’était fixé de fin 2020, Elon Musk vient d’annoncer il y a quelques jours que les fonctionnalités du mode autonome de Tesla seront complétées ‘Bientôt’. Cependant, il est difficile de prédire une date exacte à l’heure actuelle, surtout que le cadre législatif n’évolue pas avec la même cadence que la technologie.
La conduite autonome : Un défi législatif
Si les voitures modernes sont déjà capables de réaliser elles-mêmes de nombreuses manœuvres de bases, et si les constructeurs de voiture ont désormais réussi à développer un nombre de fonctionnalités avancées, celles-ci restent encore verrouillées en raison de réglementation insuffisante.
En effet, la législation en vigueur interdit pour l’instant toute fonctionnalité permettant au conducteur de ‘lâcher’ le volant. Ceci est tout simplement fixé à la suite de la convention de Vienne qui impose au conducteur la responsabilité de son véhicule, et donc de toute action produite par son véhicule. Ainsi tous les systèmes d’aide à la conduite présents actuellement sur le marché doivent strictement rappeler le conducteur à l’ordre s’il lâche le volant plus que quelques secondes.
Ainsi, et après les Etats Unis qui a commencé à mettre en place les législations relatives à la conduite autonome depuis 2014, la France a permis en 2016 les tests de mise en circulation des voitures et camions autonomes sur les routes afin d’encadrer et favoriser l’expérimentation des véhicules autonomes dans des conditions réelles. Depuis, plusieurs textes législatifs ont été émis dans ce sens, notamment le décret de 2018 qui pose un cadre bien précis aux expérimentations de conduite autonome de niveau 4 sur les voies publiques. Le décret stipule entre autres que les conducteurs devront être détenteurs d’une formation à la conduite autonome et capables de reprendre le contrôle du véhicule à tout moment, en cas d’incident, même s’ils se trouvent physiquement à l’extérieur du véhicule. Il est donc clair, que la présence active du facteur humain est encore une nécessité incontournable à ce jour.
La conduite autonome étant aussi un enjeu politico-économique, Emmanuel Macron a annoncé à l’occasion du dernier Mondial de l’automobile que les voitures autonomes 3 et 4 seront autorisées à la circulation à partir de 2022.
Mais ceci n’est pas suffisant. Outre les contraintes législatives, plusieurs questions éthiques se posent autour de ce sujet.
La conduite autonome : Une question d’éthique
Aussi parfaitement infaillible que l’intelligence artificielle et le Deep Learning peut nous paraître, un réseau de neurones est encore enclin à l’erreur à l’heure actuelle. Plus que ça, malgré les procédés de fine tuning et d’auto-correction, on est encore incapable de prédire, ni de donner une explication mathématique claire à ces erreurs. Ceci veut dire tout simplement, qu’il existe bel et bien une probabilité qu’un véhicule autonome aie un accident. La question qui se pose en revanche est : qui est le responsable dans ce cas-là ? le conducteur ? le constructeur ? le développeur ?
La réponse à cette question est quasi-impossible. Et ceci complique la mise en place d’une législation qui peut cadrer la circulation des véhicules autonomes. En effet il existe toute une branche de recherche qui se préoccupe de l’éthique derrière la conception, la construction et l’utilisation des êtres artificiellement intelligents, que l’on appelle ‘l’éthique des machines’ ou la ‘roboéthique’.
Ce domaine de l’éthique de la technologie est plus philosophique que technique. Un des plus grands exercices que les adeptes du véhicule autonome essaient de résoudre est de savoir comment répondre au dilemme du tramway dans le cas de conduite autonome. Le recours aux courants philosophique utilitariste de Bentham ou idéaliste de Kant ne donnent pas une réponse suffisamment convaincante. Cette ambiguïté autour de la question, constitue une vraie barrière à la mise sur marché des véhicules autonomes.
Les constructeurs de voitures, bien qu’ils assurent un progrès technologique important se retrouvent face à plusieurs questions éthiques dont la réponse n’est jamais la bonne.
Mercedes par exemple a compris que la voiture autonome devait être la plus sécurisante et la plus sûre possible. Mais quand elle a déclaré en 2016 que sa voiture mettra en priorité la sécurité son conducteur quelles que soient les conditions ou les conséquences, ceci a engendré une grande indignation chez le grand public.
Tel est le dilemme de la morale chez l’homme ! Nous désirons des voitures autonomes qui soient les plus sécurisé possible pour nous mais qui respectent le bien général de la société. Et actuellement il n’y a aucune technologie qui peut répondre à ça.
Pour contourner ce problème, le MIT a mis en place le ‘Moral machine’ une plateforme destinée à rassembler les perspectives humaines sur des questions de décisions moral prises par de l’intelligence artificielle notamment dans le cas de la conduite autonome grâce à plusieurs scénarios.
Cependant, la vision de la morale diffère selon les pays, les sociétés, les religions, les convictions personnelles… il y a des scénarios où il faut faire un choix, mais il n’y a pas nécessairement une bonne décision.
La réponse de certains critiques est qu’il serait plus judicieux d’ignorer ces cas de défaillance afin d’avancer, étant donné que la probabilité de l’occurrence de ces scénarios est faible, . Néanmoins, après l’accident de la voiture autonome de Uber en Arizona, cette proposition devient difficile à défendre.
Quoi qu’il en soit, les géants de l’automobile tel que Tesla, Volvo, Mercedes… et bien d’autres continuent d’investir massivement dans le développement des véhicules autonomes, en attendant que le cadre législatif évolue conséquemment.
La conduite autonome dans l’industrie
Outre le secteur du transport, la conduite autonome peut avoir des applications qui vont révolutionner l’industrie. A l’ère des usines digitales et de l’industrie 4.0, les applications de la conduite autonome ne manquent pas.
Ainsi d’autres secteurs sont bien en avance, et plusieurs acteurs du marché sont aujourd’hui conscients de cet enjeu stratégique. Volvo, qui était pionnier dans la conception de la voiture autonome, est aussi leader aujourd’hui dans le secteur de la logistique et de la mine avec ses camions autonomes sans cabines. Ce secteur a connu de multiples projets de conduite autonomes durant les dernières années, notamment en Australie où on parle aujourd’hui de mines intelligentes, comme la mine de Rio Tinto. Le grand avantage ici est que plusieurs normes et standards sont déjà mis en place pour cadrer cet aspect particulier du développement du secteur minier et ce depuis 2017. La plus connue de ces norme est la norme ISO 17757 qui traite l’ensemble des aspects fonctionnels et de sécurité liés aux véhicules autonomes dans la mine.